La dernière réglementation européenne en matière de droits d’auteur fait résolument pencher la balance du côté de l’industrie culturelle au détriment de l’utilisateur. Au fur et à mesure, internet devient de plus en plus contrôlé, augmentant de plus en plus les risques d’atteinte à la liberté d’expression.
L’Europe entend permettre aux éditeurs de presse de forcer toute personne renvoyant vers ou citant leurs articles à leur payer une rémunération. De plus, les intermédiaires tels que YouTube ou Facebook devront désormais contrôler le contenu avant leur mise en ligne pour éviter toute atteinte aux droits d’auteur.
Les conséquences d’une telle réglementation risquent d’être importantes pour tout un chacun, l’utilisateur ayant pris de plus en plus l’habitude de partager des informations disponibles sur internet sans craindre d’être poursuivi ou censuré.
1. Controverse
Ce nouveau cadre réglementaire constitue un changement radical par rapport au principe appliqué jusqu’ici. En effet, les liens vers du contenu disponible sur internet ne pouvaient entraîner de rémunérations supplémentaires pour l’auteur, et les fournisseurs d’accès n’étaient généralement pas tenus responsables du contenu disponible sur leurs plateformes.
A contrario, la nouvelle réglementation renforce les droits voisins des éditeurs de presse. Plus particulièrement le droit de reproduction et le droit de mise à disposition du public sur internet. C’est-à-dire que quiconque faisant usage d’un article de presse sur internet, de quelque manière que ce soit et même si celui-ci est déjà disponible sur un site d’information, risque de se voir réclamer de l’argent par l’auteur de l’article (ou son éditeur).
En outre, cette réglementation impose aux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) l’obtention d’une autorisation préalable pour diffuser du contenu protégé.
L’évidente impossibilité pratique d’obtenir un accord préalable des ayants-droits, implique nécessairement un contrôle a priori du contenu disponible sur leurs plateformes et éviter tous risques de voir leur responsabilité engagée.
Il est ici question d’un bras de fer entre l’industrie culturelle, qui a toujours eu du mal à s’adapter aux nouvelles technologies, et les GAFAM, qui disposent d’un quasi-monopole des services sur internet.
Pour les premiers, l’objectif est de prendre une part des revenus générés par les GAFAM lors du partage des œuvres sur internet. Pour les seconds, l’objectif est de réduire les risques de voir leur responsabilité engagée et éviter les coûts d’un contrôle généralisé du contenu disponible sur leurs plateformes.
2. Le droit voisin des éditeurs de presse
En dépit du risque sur le papier pour l’utilisateur, il sera intéressant d’observer l’effectivité de cette mesure, tant celle-ci est difficile à mettre en place. En effet, l’Allemagne et l’Espagne ont déjà pris des dispositions similaires pour des résultats discutables. En Allemagne, les auteurs/éditeurs attendent toujours de recevoir une rémunération, 5 ans après la promulgation de la loi. En Espagne, le service Google News a simplement fermé ses portes, impactant grandement la visibilité des sites d’informations.
3. Le filtrage des données
Le législateur européen demande implicitement que les intermédiaires contrôlent eux-mêmes le contenu disponible sur leurs plateformes, sachant que ceci ne peut être fait que par des algorithmes sur lesquels nous n’avons à ce jour aucune information.
Il s’agit, pour résumer, de la généralisation du contrôle préalable déjà présent sur YouTube et qui cause en ce moment de nombreux dégâts collatéraux. Ces algorithmes de contrôle ont déjà prouvé leur méconnaissance du droit et des exceptions aux droits d’auteur (caricature, citation, etc.) limitant ainsi la possibilité pour tout utilisateur de s’exprimer librement et légalement sur internet.
Ainsi, les contours de la liberté d’expression sur internet seront, grâce ou à cause du législateur européen, dessinés selon la volonté de sociétés telles que Facebook, Google et autres.
Sub Rosa Legal est toujours disponible pour plus d’informations et pour répondre à vos questions concernant les droits d’auteur sur internet.