Nous sommes tous concernés par la crise du coronavirus, ou Covid-19 qui sévit actuellement dans le monde.
Celle-ci a des impacts majeurs sur le fonctionnement de notre société, et plus particulièrement depuis le 18 mars 2020 en Belgique, suite à l’arrêté ministériel qui a obligé les commerces non essentiels à fermer boutique.
Nous nous attardons aujourd’hui sur le sort de ces commerces et plus particulièrement de leur obligation de payer le loyer.
1. Etat de la situation
Suite à l’arrêté ministériel du 18 mars 2020 :
- Les locataires se retrouvent dans l’impossibilité d’utiliser leur bien selon sa destination.
- Les bailleurs se retrouvent dans l’impossibilité de faire jouir leurs locataires des biens commerciaux.
La difficulté réside dans le fait que cette impossibilité n’est pas imputable aux parties. Elle résulte de la crise sanitaire que nous traversons.
A ce titre, de nombreux locataires se posent la question, entre autres, du paiement des loyers.
2. Premiers réflexes
Tout d’abord, il est important de rappeler que les baux commerciaux peuvent contenir des clauses importantes à prendre en considération avant d’agir.
Il en est de la sorte, par exemple, de toutes clauses concernant la force majeure qui pourrait limiter ou délimiter les droits et devoirs de chacun.
Mais également d’une obligation d’assurance qui pourrait agir en cas de fermeture forcée du commerce. Celle-ci ferait perdre son intérêt d’agir au locataire qui devra faire appel à son assurance avant de réclamer la diminution ou l'exonération de son loyer.
Ensuite, et encore avant d’entamer toute action unilatérale, il y a lieu de communiquer / négocier entre les parties.
En effet, la situation actuelle étant (nous l’espérons) temporaire, il convient d’éviter toute rupture de contrat en raison d’un acte unilatéral qui pourrait être déclaré fautif par la suite.
Une fois cette période surmontée, il sera d’autant plus important tant pour le bailleur que pour le locataire de pouvoir bénéficier du commerce/des revenus locatifs.
Si aucun accord ne pouvait être trouvé, il sera alors nécessaire de se tourner vers les professionnels du droit pour agir au mieux selon votre situation.
3. Les loyers ? Suspension, exemption ou réduction ?
A défaut de prise de décision de l’organe exécutif au moment de rédiger ces lignes, et nonobstant les clauses particulières qui pourraient être inscrites dans les baux commerciaux, nous nous rabattons sur le droit commun.
A première vue, le locataire pourrait s’estimer en droit de suspendre le paiement des loyers puisqu’il ne peut plus jouir de son commerce.
C’est la voie qu’a pu suivre le gouvernement français en permettant à toutes entreprises touchées par le Covid-19 de ne pas subir de conséquence du non-paiement des loyers.
Ceux-ci n’ont cependant pas été réduits ou exemptés.
Ce raisonnement s’apparente à une suspension des obligations des parties pour cause de force majeure.
Cependant, cette interprétation s’oppose à la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle une obligation de payer ne peut être rendue impossible du fait du caractère fongible de l’argent (l’argent est « remplaçable »).
Même si cette jurisprudence s’est légèrement assouplie avec le temps, seul le locataire dont le paiement du loyer relatif à la période Covid-19 le mettrait dans une situation proche ou assimilée à la faillite pourrait essayer de s’en prévaloir.
Une autre possibilité qui nous semble plus raisonnable trouve sa source dans l’article 1722 du Code civil :
« Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement. »
En l’espèce, l’obligation de fermeture devrait s’apprécier, selon nous, comme une perte partielle du bien loué.
En effet, le locataire ne peut plus en jouir selon la destination initiale et le bailleur ne peut pas assurer la jouissance paisible du commerce pendant une durée déterminée (temporaire) en raison de l’arrêté ministériel du 18 mars 2020.
Ceci pourrait constituer une perte juridique (partielle), consacrée par la Cour de cassation dans deux arrêts de 1919 et 1923 suite à l’occupation allemande.
En conséquence, le locataire serait en mesure de demander une réduction du loyer au juge de paix qui aura, alors, un pouvoir d’appréciation quant aux faits qui lui seront soumis.
Dans tous les cas, nous rappelons encore l’importance d’agir de manière prudente et diligente dans le contexte actuel.
Pour toutes informations ou questions concernant les baux commerciaux, mais également le sort de vos contrats pendant cette période délicate, n’hésitez pas à nous joindre par téléphone (02/538.32.50) ou par email (julien.decartier@sub-rosa.be).
Julien de Cartier d'Yves
Avocat Sub Rosa Legal