La grande majorité des sociétés font appel à des administrateurs délégués à la gestion journalière.

Pour rappel, le délégué à la gestion journalière est l’organe de la société compétent pour accomplir aussi bien les actes et les décisions qui n'excèdent pas les besoins de la vie quotidienne de la société que les actes et les décisions qui, soit en raison de leur intérêt mineur qu'ils représentent soit en raison de leur caractère urgent, ne justifient pas l'intervention de l'organe d'administration.

Le délégué à la gestion journalière peut entre autres cumuler sa fonction avec celle d’administrateur. On parle alors d’administrateur délégué.

Dans une grande majorité des cas, celui-ci est indépendant et rémunéré en tant que dirigeant d’entreprise.

Or, la Cour du travail de Bruxelles, dans son arrêt du 19 janvier 2021, a considéré qu’un administrateur délégué à la gestion journalière pouvait être considéré comme un employé si un lien de subordination existait.

Cet arrêt crée malheureusement un risque important de contentieux pour de nombreuses sociétés en cas de rupture difficile avec un administrateur délégué à la gestion journalière.

1. Raisonnement de la Cour

Tout d’abord, la Cour constate que les parties ont, de commun accord, décidé de se baser sur le statut d’indépendant pour organiser leur relation professionnelle.

Ainsi, l’administrateur délégué à la gestion journalière avait signé un « directorship’s agreement » et n’avait jamais remis en cause son statut d’indépendant avant l’introduction du litige.

Cependant, la Cour a estimé qu'il faut se baser sur « l’exécution effective [qui] doit être en concordance avec la nature de la relation » (article 331 de la loi du 27 décembre 2006).

En d’autres mots, elle ne s’arrête pas à la convention signée entre les parties, mais bien à l’exécution des prestations.

Or, il ressort des éléments de fait du cas traité par la Cour les éléments suivants :

- D’une part, l’administrateur délégué à la gestion journalière demande l’autorisation à d’autres administrateurs avant d’agir y compris lorsque cela relève de ses compétences (par exemple, les factures à payer, la gestion du personnel, les actions en justice,…).

- D’autre part, lesdits administrateurs lui répondent par l’affirmative ou la négative, sans lui mentionner qu’une telle demande n’est pas nécessaire.

En conséquence, la Cour estime que l’administrateur délégué à la gestion journalière agissait sous le contrôle de ses supérieurs hiérarchiques.

En outre, le fait que l’administrateur délégué à la gestion journalière n’ait pas une liberté importante dans la gestion de ses horaires de travail vient conforter la Cour dans sa décision.

La Cour a donc retenu la requalification en contrat de travail pour la relation entre l’administrateur délégué à la gestion journalière et la société qui l’employait.

2. Enseignement et points d’attention

Cet arrêt est particulièrement important puisqu’il rappelle que les tribunaux ne sont pas tenus par la qualification que retiennent les parties pour leur relation.

La Cour rappelle également l’importance de l’autonomie d’action qui est due à tout indépendant en ce compris l’indépendant administrateur délégué à la gestion journalière.

Or, cette indépendance va parfois à l’encontre du contrôle que le conseil d’administration pourrait désirer exercer sur celui-ci.

En ce sens, il est primordial de se faire conseiller avant de conclure l’une ou l’autre convention avec un administrateur délégué à la gestion journalière.

Vos conseils pourront vous assister dans le choix quant à la forme de la relation professionnelle, mais également concernant la manière dont le conseil d’administration pourra exercer son contrôle.

Pour plus d’informations, n’hésitez pas à prendre contact avec le cabinet Sub Rosa Legal par téléphone (02/538.32.50), par e-mail ou en prenant directement rendez-vous.

Julien de Cartier d'Yves
Avocat Sub Rosa Legal