Vers la fin du dumping social ?
 22/07/2020 | Articles
Vers la fin du dumping social ?

 

La création du marché unique de l’Union européenne, malgré ses nombreux avantages, a vu naître de nouvelles formes d’inégalités.

C’est le cas du dumping social que nous observons entre la « vieille » Europe (France, Allemagne, Belgique, etc.) et ce qui est généralement appelé l’Europe de l’Est (Bulgarie, Hongrie, Roumanie, etc.).

Le dumping social est la mise en concurrence de travailleurs sur un même lieu, mais avec des droits différents, et plus particulièrement des différences quant à la rémunération minimum, aux obligations liées aux horaires de travail et à divers acquis sociaux. 

Cette concurrence, basée sur la liberté de circulation des services, implique souvent qu’un travailleur étranger (« détaché ») pourra être plus avantageux pour son employeur qu’un travailleur local.

Le 28 mai dernier, la Chambre des représentants votait la transposition de la directive (EU) 2018/957 dont l’objectif principal est de réduire les inégalités liées à cette situation.

 

1. Noeud du problème

Dans les faits, le dumping social permet aux entreprises européennes d’agir dans n’importe quel autre pays de l’Union européenne tout en respectant leur propre législation nationale.

Or, le droit du travail comme celui de la sécurité sociale est loin d’être uniforme en Europe.

Par exemple, la période de préavis pour un travailleur avec 5 ans d’ancienneté sera de 18 semaines pour un travailleur belge mais seulement de 45 jours pour un travailleur hongrois. 

Il en est de même concernant les salaires minimaux qui sont généralement adaptés au coût de la vie du pays en question.

De ces différences découle une concurrence de facto déloyale entre les différentes entreprises soumises à des obligations différentes au même endroit.

 

2. Conflit des lois, conflit de poids

La difficulté du problème réside dans l’opposition de principes de valeur équivalente.

D’une part, le marché unique a pour objectif de permettre à tout Européen d’exercer leurs activités dans n’importe quel autre pays européen.

L’importance de cette liberté est à hauteur des bénéfices qu’elle génère par an, soit 284 milliards d’euros selon une étude du Parlement européen du 15 février 2019.

D’autre part, le marché unique a également pour objectif de créer un marché « dans des conditions de concurrence équitables » dans lequel « les droits des travailleurs détachés sont protégés ».

L’inertie actuelle est également due à la volonté, pour les pays qui en bénéficient, de ne pas modifier la situation actuelle. En effet, les pays de l’Est bénéficient grandement de l’activité de leurs entreprises dans le reste de l’Europe.

 

3. Nouvelle loi. Changement radical ou modification subtile ?

Cette nouvelle loi, dont l’entrée en vigueur est prévue pour le 30 juillet 2020, a pour vocation d’améliorer la situation des travailleurs détachés en réduisant l’écart entre ces derniers et les travailleurs locaux.

Ainsi, il est prévu que le « noyau dur de règles impératives minimum » devront s’appliquer à tous les travailleurs, y compris détachés.

En ce sens, l’ensemble des règles en matière de conditions de travail, de rémunération et d’emploi qui sont sanctionnées par des dispositions pénales (provenant en grande majorité du Code pénal social) sont rendues applicables au travailleur détaché.

Cette obligation d’appliquer le droit local se durcit en fonction de la durée pendant laquelle le travailleur est détaché. Ainsi, après 12 mois (prolongeables à 18 mois) le travailleur détaché devra également bénéficier des conditions de travail et de rémunération qui ne sont pas sanctionnées pénalement.

En d’autres mots, l’introduction de cette directive dans le droit positif belge permet d’appliquer au travailleur détaché des protections liées au droit du travail par le biais du droit pénal social.

Il ne s’agit pas là d’une révolution au sens du droit du travail, mais probablement d’une évolution vers une concurrence plus équitable et une protection des travailleurs plus homogène.

 

Si vous souhaitez obtenir de plus amples informations à ce sujet ou si vous avez des questions spécifiques concernant le droit social et le droit du travail, n'hésitez pas à nous contacter par e-mail (julien.decartier@sub-rosa.be) ou par téléphone au 02/538.32.50.

 

Julien de Cartier d'Yves
Avocat Sub Rosa Legal

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