Le 10 décembre 2020, suite à l’annonce du maintien des mesures de restrictions liées à la COVID-19 durant les fêtes de fin d’année, la zone de police CARMA (zone du Limbourg) annonçait l’utilisation de drones pour contrôler le respect de celles-ci.
Cette annonce a fait couler beaucoup d’encre sur les réseaux sociaux, mais pas uniquement.
En effet, l’organe de contrôle de l’information policière s’est également saisi de la question et a rendu, le 23 décembre 2020, un rapport sur l’utilisation de drones dans le cadre de l’action des forces de l’ordre. Ce rapport fera l’objet du présent article.
Des drones ? Quel problème ?
Comme de nombreux citoyens l’ont fait remarquer, le recours à des drones pourrait constituer une atteinte à la vie privée si ceux-ci étaient utilisés pour filmer/observer les habitations privées.
En effet, le respect du droit à la vie privée et familiale est inscrit dans notre constitution (art. 22) ainsi que dans la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (art. 8).
Ce droit peut, cependant, être limité par la loi tant que cette intrusion est « nécessaire à la sécurité nationale à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales […] » (art.8, 2° CEDH).
Cette possibilité n’est pas sans garde-fou puisque, de par l’introduction de la loi RGPD (loi 30 juillet 2018), toute utilisation de nouvelles technologies « qui est susceptible d’engendrer un risque élevé pour les droits et les libertés des personnes physiques » (art.58 loi RGPD) doit être précédée d’une analyse d’impact.
Autrement dit, il est nécessaire d’analyser au préalable l’impact d’un drone équipé entre autres d’une caméra thermique, sur la protection de la vie privée.
La Police a-t-elle respecté ses obligations ?
Il ressort du rapport de l’Organe de contrôle qu’aucune analyse substantielle n’a été effectuée au préalable par la zone de Police.
En l’occurrence, le rapport mentionne des dysfonctionnements dans l’utilisation des drones par la zone de Police CARMA tels que :
- Une centaine de vols effectués sans le consentement des Conseils communaux
- Des demandes et autorisations des Conseils communaux vagues quant à la portée de l’utilisation des drones (pas de mention de la caméra thermique, manque de clarté concernant les lieux autorisés)
- Impossibilité de reconnaître le drone de police
Il faut constater que la Police n’a dès lors pas correctement introduit ce « nouvel » outil au regard de la législation en vigueur.
Il est à noter que ces remarques concernent uniquement l’utilisation de drones dans le cadre d’une demande des Conseils communaux.
En effet, l’utilisation lors d’enquête sur base d’une requête d’un juge d’instruction ou du ministère public ne pose pas les mêmes problèmes puisque la démarche est spécifique et non généralisée.
Suite à ces dysfonctionnements, l’Organe de contrôle a contraint la zone de Police à lui délivrer une analyse d’impact en bonne et due forme et imposer l’arrêt de l’utilisation des drones qui contrevenait aux diverses réglementations.
Conséquence pour l’avenir ?
Deux conséquences importantes sont à prendre en compte dans ce fait d’actualité, d’une part, malgré la communication médiatique des différentes communes et des zones de Police, l’ensemble des outils utilisés doivent respecter le cadre légal fixé par le législateur.
L’action d’initiative de l’Organe de contrôle nous démontre que les garde-fous créés ne sont pas uniquement symboliques et qu’un réel contrôle est exercé.
D’autre part, il faut constater que les nouvelles technologies de recherche et la vie privée ne sont pas facilement conciliables.
En conclusion, il nous semble, à l’instar de l’Organe de contrôle, qu’un réel cadre législatif spécifique adapté aux drones (en l’espèce) serait l’unique solution pour permettre une utilisation respectueuse de ceux-ci dans le respect des droits et libertés de chacun.
A titre informatif, il nous semble également pertinent de rappeler qu’une infraction constatée par le biais d’une surveillance entachée d’une illégalité pourra être contestée devant les juridictions.
Pour plus d’informations, n’hésitez pas à prendre contact avec le cabinet Sub Rosa Legal par téléphone au 02/538.32.50, par email ou directement prendre rendez-vous.
Julien de Cartier d'Yves
Avocat Sub Rosa Legal