1. Le jugement du 22 juin 2020
Le 22 juin 2020, le tribunal de commerce de Bobigny en France a rendu un jugement dans lequel il se prononce sur l’ouverture d’une procédure de sauvegarde (procédure collective d’insolvabilité de droit français) concernant la SA Celio International. Cette décision est très intéressante, notamment car elle se prononce sur la compétence internationale. En effet, le tribunal de commerce affirme que sur base de l’article 3 du Règlement 2015/848, les juridictions françaises sont les seules compétentes pour traiter la procédure collective d’insolvabilité principale alors que le siège statutaire de Celio International est situé en Belgique.
Dans cet article, nous allons vous expliquer les raisons pour lesquels le tribunal de Bobigny a pris cette décision.
2. Le Règlement 2015/848
Le Règlement 2015/848 du Parlement européen porte sur les procédures collectives d’insolvabilité intracommunautaires. Sont visées par le Règlement les procédures d’insolvabilité qui présentent un élément d’extranéité. L’exemple type est celui de la procédure concernant un débiteur qui exerce son activité professionnelle dans un autre Etat membre que celui dans lequel il réside. Les procédures d’insolvabilité purement nationales ne rentrent donc pas dans le champ d’application de de ce règlement.
En adoptant le règlement 2015/848, l’objectif du Parlement européen était d’établir une règlementation plus efficace et complète que l’ancien règlement 1346/2000, qui encadre les procédures collectives d’insolvabilité intracommunautaires, notamment en fixant les règles de détermination de la loi applicable ou de la juridiction compétente.
En outre, le règlement 2015/848 s’applique tant aux personnes physiques qu’aux personnes morales.
3. Détermination de la compétence internationale
Selon l’article 3 du Règlement 2015/848, le critère à prendre en compte pour déterminer les juridictions qui seront seules compétentes pour traiter la procédure d’insolvabilité principale est le territoire sur lequel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur, que le Règlement définit comme le lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est vérifiable par des tiers.
A cet égard, le Règlement établit une présomption pour les sociétés et les personnes morales en son article 3.1 §2. En effet, pour ces dernières, le centre de leurs intérêts principaux est présumé être situé au lieu du siège statutaire. Dans la majorité des cas, l’application de la présomption suffit pour localiser le centre des intérêts principaux et donc l’Etat membre dont les juridictions seront compétentes pour traiter de l’ensemble de la procédure collective d’insolvabilité concernant le débiteur.
Toutefois, cette présomption est réfragable, elle peut donc être renversée si la preuve du contraire est rapportée. Le 30ème considérant du Règlement donne une indication à ce sujet en précisant qu’il est possible de renverser la présomption mais il faut vraiment que l’appréciation globale de l'ensemble des éléments pertinents permette d'établir, d'une manière vérifiable par des tiers, que le centre effectif de direction et de contrôle de ladite société ainsi que de la gestion de ses intérêts se situe dans un autre État membre. Dans le cas de Celio International, dans la mesure où 80 % des activités de la société sont situées en France, il est donc compréhensible que le tribunal de commerce de Bobigny ait renversé la présomption en estimant que le centre des intérêts principaux de Celio International n’était pas situé en Belgique mais en France et que seules les juridictions françaises étaient donc compétentes pour connaitre la procédure collective d’insolvabilité principale.
Cela peut évidemment aboutir à des situations imprévues pour les sociétés qui n’auraient pas été vigilantes. En effet, ces sociétés pourraient se trouver dans une situation où la juridiction compétente et la loi applicable à la procédure collective d’insolvabilité les concernant ne correspondraient pas à la loi applicable à la société, ce qui peut être problématique dans les Etats membres qui ont opté pour la théorie du siège statutaire (dont la Belgique fait partie). A cet égard, il faudra être vigilant.
Si vous souhaitez plus d'informations à ce sujet ou si vous avez des questions spécifiques concernant la compétence internationale en matière de procédures collectives d’insolvabilité, n'hésitez pas à contacter notre cabinet d'avocats par e-mail ou par téléphone au 02/538.32.50.
Jordan Mabiala
Avocat Sub Rosa Legal