En tant qu'entreprise, vous risquez de connaitre des difficultés financières à la suite de la crise sanitaire actuelle.
Les autorités ont prévu une gamme de mesures de soutien fédérales et régionales (que vous pouvez retrouver dans notre tableau téléchargeable gratuitement dans notre Legal Concept Store), mais celles-ci pourraient ne pas suffire à vous maintenir la tête hors de l'eau.
L'objectif de cet article est de fournir aux entreprises un aperçu concis et compréhensible des mesures juridiques pouvant être prises pour faciliter la relance d’une activité ou pour s’en libérer avec le moins de dégâts possible.
1. Procédure de la sonnette d’alarme et dissolution
Au sortir de la crise sanitaire inédite à laquelle nous sommes confrontés actuellement, il est certain que la situation financière d’un grand nombre de sociétés va se dégrader, en particulier celles qui ont dû cesser toutes activités économiques. Il est important pour ces sociétés d’avoir connaissance de la procédure de la sonnette d’alarme qui peut aboutir à la dissolution de la société.
La procédure de la sonnette d’alarme est donc une procédure qu’il y a lieu d’activer lorsque la société est confrontée à de sérieuses difficultés financières.
Depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code des sociétés et des associations, les modalités de la procédure diffèrent selon que la société est une SRL/SC ou une SA.
- Dans les SRL et SC, l’organe d’administration est tenu d’activer la procédure de la sonnette d’alarme lorsqu’il constate que l'actif net (les « capitaux propres comptables ») est devenu négatif ou risque de le devenir et/ou s’il n'est plus certain que la société, selon les développements auxquels on peut raisonnablement s'attendre, sera en mesure de s'acquitter de ses dettes au fur et à mesure de leur échéance pendant au moins les douze mois suivants (art. 5:153. §1e CSA pour les SRL et art. 6:119. §1e CSA pour les SC).
- Dans les SA, la procédure doit également être activée par l’organe d’administration dès qu’il constate que, suite à des pertes, l'actif net de la société est réduit à un montant inférieur à la moitié du capital social (art. 7:228. al. 1e CSA).
Dans les deux cas, l’organe d’administration a l’obligation de convoquer une assemblée générale extraordinaire dans les deux mois suivants la date à laquelle la situation a été constatée ou du moins, aurait dû l’être. L’assemblée générale ainsi convoquée doit délibérer, sur base d’un rapport spécial établi par l’organe d’administration, en vue de choisir entre soit adopter des mesures de redressement visant à assurer la continuité de l’entreprise, soit tout simplement décider de la dissolution de la société.
Des particularités au niveau des seuils sont prévues en matière de SA. En effet, si l'actif net est réduit à un montant inférieur au quart du capital, la même procédure s’applique mais la dissolution aura lieu seulement si le quart des voix émises à l’assemblée générale l’approuvent (art. 7:228. al. 4 CSA) et enfin, si l'actif net est réduit à un montant inférieur à 61.500,00 €, tout intéressé ou le ministère public peut demander au tribunal la dissolution de la société (art. 7:229. CSA). Il faut être très attentif.
Il convient également de préciser que si l’organe d’administration ne convoque pas l’assemblée générale, tous les dommages subis par les tiers seront réputés être causés par ce manquement et la responsabilité de l’organe d’administration et de ses membres risque d’être engagée (art. 5:153. §3, 6:119. §3 et 7:228. al. 5 CSA).
Nous ne nous étendrons pas ici sur les possibilités de convocation d'une assemblée générale compte tenu des mesures liées au coronavirus. Pour cela, nous renvoyons à l'arrêté royal n° 4 du 9 avril 2020 contenant diverses dispositions sur la copropriété et le droit des sociétés et des associations dans le cadre de la lutte contre la pandémie du Covid-19.
2. La réorganisation judiciaire
L'article 2:52. du CSA dispose que « Lorsque des faits graves et concordants sont susceptibles de compromettre la continuité de l'entreprise, l'organe d'administration est tenu de délibérer sur les mesures qui devraient être prises pour assurer la continuité de l'activité économique pendant une période minimale de douze mois. »
L'un des dangers auxquels de nombreuses PME vont être confrontées est que la crise sanitaire va devenir une crise économique par un effet domino, dans la mesure où les entreprises ne perçoivent plus de liquidités mais doivent continuer à payer leurs propres créanciers.
La question est donc de savoir comment maintenir l'activité d'une entreprise en difficulté en lui permettant de se relancer en temps utile.
Afin de se prémunir contre de tels risques et de se protéger contre les créanciers, l'entreprise en difficulté peut avoir recours à la procédure en "réorganisation judiciaire", organisée par le livre XX du Code de droit économique.
Il convient donc de se pencher attentivement sur cette procédure.
A. À qui cette procédure s'applique-t-elle ?
Elle s'applique à toutes les entreprises, y compris les organisations à but non lucratif et les titulaires de professions libérales.
B. Types de réorganisation judiciaire
a. Le règlement à l'amiable
C'est la forme la plus pratique de réorganisation judiciaire. Elle vise à parvenir à un règlement à l'amiable avec les créanciers les plus importants. L'accord est ensuite homologué par le tribunal de l’entreprise et s'appliquera dès lors à ces créanciers.
b. Le règlement collectif
- Il s'agit de la forme de réorganisation judiciaire la plus courante, car à son terme, l'entreprise sera protégée contre tous les créanciers.
- Cette forme nécessite la formation d’un plan de réorganisation dans lequel des propositions de remboursement sont formulées et sur lequel les créanciers peuvent se prononcer et voter pour ou contre un tel plan de réorganisation.
Si le plan est approuvé par la majorité des créanciers, il sera opposable à tous, même s'ils ont voté contre ou ne se sont pas présentés au vote.
- Les délais de paiement dans le cadre du plan de réorganisation peuvent s’étendre soit sur maximum cinq ans, soit sur seulement deux ans.
Le délai de deux ans maximum vise notamment les créanciers privilégiés (tels que les banques, les propriétaires et les sociétés de leasing).
- Le plan peut également prévoir que les créanciers soient remboursés à hauteur d’un certain pourcentage (la loi précise que ce pourcentage ne peut être inférieur à 20 %) mais, là encore, cela ne vaut pas pour les créanciers privilégiés susmentionnés. Les autres créanciers auront tendance à accepter ce prorata, car en l'absence de procédure de réorganisation judiciaire ou à défaut d’accord, l'entreprise tombera en faillite et les créanciers risquent de ne rien avoir à la fin.
c. La réorganisation judiciaire par transfert sous autorité de justice
L'entreprise peut choisir de conclure un accord sous le contrôle d'un juge délégué pour le transfert de l'entreprise ou de ses activités (en tout ou en partie). Cela peut même être combiné avec un accord collectif pour la partie de l'entreprise qui n'est pas transférée.
Dans le cadre d'un tel transfert, un mandataire de justice chargé de l'organisation et de la réalisation du transfert de tout ou partie de l'entreprise est alors désigné.
Pour les petites entreprises, il peut s'agir également de matériels déterminés que l'entreprise peut racheter elle-même (ce mécanisme est appelé l' "auto-cession") et pour lesquels elle est en concurrence avec les offres d'autres acheteurs potentiels.
Le transfert sous autorité de justice peut être réalisé :
- de manière volontaire, c'est-à-dire à la demande de l'entrepreneur lui-même (au début ou en cours de procédure)
- de manière forcée à la demande du Procureur du Roi, d'un créancier (par exemple la banque) ou de tout tiers intéressé. Ce sera le cas :
> lorsque l'entreprise remplit les conditions de la faillite mais n'a pas encore introduit de demande de réorganisation judiciaire
> lorsque le plan de réorganisation judiciaire est demandé mais refusé par le tribunal
> lorsque les créanciers rejettent le plan de réorganisation
> lorsque le tribunal ne veut pas homologuer le plan de réorganisation
3. Faillite
Il est souvent considéré que la faillite est la dernière étape de la vie d'une entreprise, dans laquelle elle jette l'éponge vu qu'elle ne peut plus faire face à ses créanciers.
Cependant, la faillite doit également être préparée avec le plus grand soin et, là aussi, il est important de tout mettre en ordre avant de déposer les comptes ou de préparer une défense utile dans le cadre de la faillite.
Le livre XX du Code de droit économique étend l'application de la législation sur la faillite à toutes les entreprises.
Un nouveau départ est toujours largement possible sans devoir attendre la fin de la faillite.
Nous vous recommandons vivement de vous préparer sur le plan juridique à cet égard.
Les biens acquis par le failli pendant la procédure de faillite, tels que les revenus provenant de nouvelles activités, ne font pas partie de la masse de la faillite. La seule exception à cette règle concerne les biens acquis par le failli pendant la faillite sur la base de circonstances antérieures à celle-ci.
En outre, le failli qui est une personne physique peut, à sa demande, être libéré des dettes résiduelles, sans préjudice des garanties fournies par le débiteur ou des tiers. Le tribunal n'a pas à attendre la fin de la procédure de faillite pour se prononcer sur la demande de remise de dettes.
Avant de déposer les comptes, il convient également d'être bien informé sur la responsabilité en matière de faillite. Les règles de responsabilité à cet égard s'appliquent aux administrateurs, gérants, administrateurs délégués à la gestion journalière, membres d'un conseil d'administration ou de surveillance, actuels ou anciens, ainsi qu'à toutes les autres personnes qui ont eu un pouvoir de gestion effectif à l'égard de la société.
Il y a les responsabilités suivantes :
- La responsabilité en raison d’une négligence grave et caractérisée ayant contribué à la faillite de toute personne morale, à l'exception des petites entreprises.
- La responsabilité objective des administrateurs ou des gérants pour les cotisations de sécurité sociale impayées s'ils ont été impliqués dans au moins deux faillites ou liquidations avec des dettes relatives aux cotisations de sécurité sociale au cours de la période de cinq ans qui précède le jugement déclaratif de faillite.
- La responsabilité pour "wrongful trading" : un administrateur peut, en cas de faillite, être tenu pour responsable de tout ou partie des dettes de l'entreprise lorsqu'il savait ou aurait dû savoir qu'il n'y avait aucune chance raisonnable d'amélioration pour l'entreprise ou ses activités et donc aucune chance d'éviter la faillite et a malgré tout poursuivi l'exploitation des activités de l'entreprise.
4. L'AR numéro 15 du 24/04/2020
Cet Arrêté Royal jouera un rôle important pendant une période temporaire en matière de faillite et de réorganisation judiciaire. Pour en savoir plus, nous vous renvoyons au tableau que vous pouvez consulter gratuitement sur notre site.
Jordan Mabiala
Avocat Sub Rosa Legal